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La marqueterie
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La marqueterie est une discipline à part entière comme la sculpture, le tournage, la menuiserie et tous les autres arts du travail du bois.
Vous découvrirez ici les grandes périodes qui ont marquées l'histoire de la marqueterie ainsi que ses principales techniques.

Cerise sur le gâteau : Tous les dessins des "sujets" que vous trouverez ici sont téléchargeables en PDF !

Je vous invite à lire ceci en introduction à ce qui va suivre.

FRAGMENTS D'HISTOIRE :

350 av. J.-C. : Premières incrustations en marbre réalisées à Halicarnasse (Asie Mineure) dans le palais du Roi Mausole.
27 av. J.-C. et 476 apr. J.-C. (Empire Romain) : Apparition de la tarsia certosina. Cette technique consiste à découper des éléments de placage et les rapporter dans des cavités creusées sur la surface des panneaux massifs.
Après le démembrement de l'Empire Romain, ce moyen d'expression artistique se perd.
XIVème siècle : Apparition de la tarsia geometrica en Toscane. Contrairement à la tarsia certosina, cette technique consiste à recouvrir entièrement les surfaces à décorer.
XVème siècle : Essor de la marqueterie en Italie avec la création de "l'école florentine de marqueterie d'art" dont Benedetto da Maïano, Baccio et Piero Pontelli et Dominico da Prato sont, entre autres, les principaux représentants. Le procédé de tarsia geometrica est perfectionné pour donner naissance à des tableaux en perspective plus détaillées. C'est aussi à cette époque que l'on commence à teindre les bois (à l'huile) ce qui enrichit considérablement les compositions.
XVIème siècle (Renaissance) : Les techniques se développent et un nouveau procédé voit le jour : la tarsia a toppo. Cette technique consiste à faire un collage avec plusieurs baguettes de bois contrasté assemblées en faisceau de façon à ce que l'extrémité reproduise le motif imaginé. Le bloc de bois est ensuite découpé perpendiculairement en lamelles minces jusqu'à épuisement de celui-ci. Ces motifs "préfabriqués" servent souvent de frises ou d'encadrement de scènes plus complexes.
XVIIème siècle : Apparition et développement de la tarsia a incastro (voir explications avec notre modèle ci-dessous). Jean Macé (1602-1672), Auburtin Gaudron (1653-1727), Jacques Sommer, Pierre Golle (1620-1684), Alexandre-Jean Oppenordt (1639–1713) et André-Charles Boulle (1642-1732) en seront les principaux ambassadeurs.
XVIIIème siècle : Évolution majeure dans les techniques et les décors de marqueterie.
Sous la Régence (1700-1730), les pieds de meubles se cambrent, les caissons restent droits mais on continue à marqueter dans le style d'André-Charles Boulle.
Avec le règne de Louis XV (1715-1774), les formes évoluent, le mobilier se galbe sur toutes ses faces et la marqueterie s'adapte à ce style nouveau (style Louis XV : 1723-1750). On parle alors de "peinture en bois". Les bois prennent des couleurs vives et variées. Les artistes entremêlent des compositions florales incrustées dans des frisages de bois exotiques (bois de rose, bois de violette, amarante).
Durant le style Transition (1750-1774), les caissons se redressent mais les pieds restent cambrés. La marqueterie se fait plus discrète et on voit apparaitre des mosaïques et des jeux de fonds complexes sur les faces des meubles (losanges, cubes sans fonds, etc).
Le style Louis XVI (1774-1785) voit les dernières courbes de son mobilier se raidir au profit de lignes épurées néoclassiques inspirées des découvertes récentes des vestiges d'Herculanum (1738) et de Pompéi (1748). Les meubles sont ornés de grecques, de postes, leurs pieds se gainent et sont souvent cannelés.
Les décors de marqueterie explosent en scène antiques, vases de fleurs, cornes d'abondances. Il n'y a plus de limites à la créativité des artistes de cette époque, certains font même appel à des peintres pour leur réaliser des "cartons" (dessins). Les plus beaux chefs-d'œuvre de l'ébénisterie ont été produits à cette époque.
De nombreux ébénistes/marqueteurs ont jalonné cette période. Nous citerons : Antoine Gaudreaux (1680-1751), Bernard Van Riesen Burgh dit "BVRB" (1705-1766), Charles Topino (1742-1803), Roger Van Der Cruse dit Lacroix (1728-1799), Jean-François Oeben (1723-1763), Jean Henri Riesener (1734-1806), Jean-François Leleu (1729-1807), David Roentgen (1743-1807), Jean-François Hache (1730-1796).
XIXème siècle : Au début de ce siècle, les frisages et la marqueterie ne sont plus en vogue.
Sous le 1er Empire (1804-1814), on emploie beaucoup d'acajou massif ; lorsqu'il vient à manquer on habille les meubles en placage d'érable, de poirier ou de loupe d'orme. Il y a peu de choix, le blocus continental imposé par Napoléon 1er (1769-1821) entraine l'arrêt du trafic maritime et des importations de bois "des îles".
Après la chute du 1er Empire, la marqueterie renaît par un nouveau style : la Restauration (1815-1830). Cet art qui fleurit sous le règne de Louis XVIII (1755-1824) et de son frère Charles X (1757-1836) voit la mode revenir aux bois très clairs : érable moucheté, citronnier, frêne, buis, platane, sycomore. Les bronzes sont remplacés par des motifs très finement marquetés (rinceaux, rosaces, palmettes) en palissandre, amarante ou ébène, incrustés dans des fonds de bois blonds cités précédemment.
Sous le règne de Louis Philippe (1830-1848), le style qui porte son nom voit la coloration des marqueteries s'inverser. Les bois clairs sont, cette fois, incrustés dans des bois foncés. C'est à cette période, sous l'influence du Roi, qu'on commence à copier les meubles Boulle, Louis XV et Louis XVI.
Sous le style Napoléon III, du nom de l'empereur (1808-1873), tous les styles triomphent ; la marqueterie d'écaille rouge et de cuivre a un regain de faveur. De nombreuses copies en "technique Boulle" sont réalisées. Le style est brouillon et le goût n'est pas toujours très sûr mais les marqueteurs travaillent néanmoins avec beaucoup d'habileté et profitent des nouvelles avancées technologiques.
A la fin du siècle l'imitation de tous les styles crée un peu de confusion ; c'est à cette époque que quelques artistes sortent du lot en composant des motifs de marqueterie inspirés de la nature et des végétaux. Les longues tiges s'entremêlent et se recourbent sur elles-mêmes en de souples circonvolutions terminées par des fleurs épanouies. L'Art Nouveau (1890-1905/10) est né. Emile Gallé (1846-1904) et Louis Majorelle (1859-1926) feront fleurir ce style.
XXème siècle : Le style Art déco (1910-1940) prend son essor avant la Première Guerre mondiale contre les volutes et les formes organiques de l'Art nouveau. Il consiste en un retour à la rigueur classique et à la symétrie. Le galuchat, l'ivoire, la nacre reviennent au premier plan. Les artisans sont de merveilleux exécutants et Jules-Emile Leleu (1883-1961), Paul Iribe (1883-1935) et Jacques-Emile Ruhlmann (1879-1933) en sont les principaux représentants.

Après la seconde guerre mondiale, on assiste à un bouleversement industriel continu. L'artisanat du meuble devient une industrie. L'art du marqueteur arrive à subsister jusque dans les années 60 mais l'apparition et l'emploi intensif de revêtements stratifiés et de surfaces laquées lui porte un coup rude. Le mobilier est fabriqué en série, sans âme. Le matériau bois est laissé de côté car contraignant à mettre en œuvre et surtout… pas assez rentable ! Ben voyons !

Aujourd'hui, on constate un regain d'intérêt pour le "bois". Grâce à quelques modes ou mouvements écologiques, ce matériau naturel et renouvelable semble avoir été redécouvert (comme les légumes sans pesticides !).
A la bonne heure ! Mais que de temps perdu…

Je voudrais cependant terminer cet historique sur une note positive.
Il existe quelques artisans créateurs en France, et j'en connais, ébénistes et marqueteurs de leur état qui portent haut les valeurs de leurs pairs et qui poursuivent cette histoire passionnante. Vous trouverez quelques-unes de leurs créations dans le meubloscope.
Il est aujourd'hui, plus que jamais, possible de créer avec du bois et de fabriquer des meubles inspirants et beaux.

Hier, seuls les grands techniciens maitrisaient les arcanes de notre métier. Il fallait de longues années de pratique et de sueur avant d'avoir le privilège de pouvoir exercer. Les outils étaient longs à apprivoiser, le matériau dur à dompter mais pourtant regardez ce qu'ils en ont fait.
Vous allez me dire : "Ils avaient du temps !" C'est faux ! Ils avaient surtout des contraintes et malgré ça ils ont été extrêmement prolifiques et ingénieux.
Aujourd'hui, nous sommes cernés de nouvelles technologies : machines portatives, commandes numériques (CNC), découpeuse laser, etc., qui nous facilitent la mise en œuvre de ce fabuleux matériau.
Imaginez ce que J-H Riesener aurait fait avec une défonçeuse et une visseuse.
Nous n'avons plus d'excuses…

Le style du XXIème siècle sera en bois !